Les foulées du Mégara à la Marsa le dimanche 22/03/2015


Dans une Tunisie blessée, en deuil et sous le choc que les 7èmes foulées du Mégara ont eu lieu, c’était un contexte particulier où il fallait être sobre et digne mais aussi montrer qu’on est plus fort que la terreur et que la vie et l’espoir prennent le dessus.


Ainsi, motivé à bloc et décidé à relever la tête de ma patrie que j’ai pris la route très tôt vers la Marsa. L’anonymat de l’année dernière n’est plus d’actualité, un an après, j’avais une équipe solide et motivée et je connaissais la plus part des coureurs. Un beau soleil illuminait la plage et la place était déjà peine, les notes de musique, l’odeur du café, la joie sur les visages, le mélange de couleurs des tenues de sport et la sympathie qui se dégageait de la foule ont fait de cette matinée un jolie cocktail de bonheur et de bien-être. Les drapeaux tunisiens, les rubans noirs et quelques pancartes montraient que la beauté de l’événement ne nous faisait pas oublier notre combat pour une Tunisie forte et meilleure. On en oublie presque la course et les 21 km à faire dans quelques minutes.


Les groupes se formaient au fur et mesure des minutes, et la joie sincère des retrouvailles entre les coureurs se lisaient dans les yeux et sur les visages. La symbiose entre les coureurs habitués et les coureurs des événements faisaient plaisir à voir ainsi que la fierté des amateurs à côtoyer les meilleurs et les champions. Quelques légendes (guammoudi et mosta) étaient là et de nombreux coureurs étrangers ont fait le déplacement.

Le moment tant attendu s’approchait, les organisateurs ont eu tout le mal du monde à canaliser la foule des partants, mais au lancement de l’hymne national, toute cette ferveur s’est transformé en un cri du cœur, tous d’une seul voie forte et décidée, les poings vers le ciel et comme un seul homme ont chanté les paroles de l’hymne national, le moment était magique, émouvant, unique. C’est donc avec un taux d’adrénaline à son plus haut niveau que le départ a été lancé.


Comme d’habitude, les premiers hectomètres ont été très nerveux, certains zigzaguaient entres les coureurs, d’autres cherchaient à ce faire prendre en photos par les nombreux photographes sur le parcours alors que certains commençaient à se positionner dans un peloton. Mais rapidement, les premières pentes arrivèrent et ils eurent raison de l’enthousiasme des surexcités des premiers kilomètres. La course, la vraie, commençait.

A gauche les ruines romaines et en haut de la pente le beau minaret de la mosquée de Carthage étaient le cadre de la première grosse difficulté du parcours, une montée courte mais avec un pourcentage élevé, le peloton s’étire et un classement commence à se dessiner. J’aime beaucoup cette partie de la course où je remonte petit à petit le peloton et que j’entends les commentaires des coureurs sur le soleil, sur la difficulté, sur les pentes, sur la distance qui reste. Ce sont des moments de partage et ça me permet toujours de me rappeler d’où je viens et comment j’ai commencé la course.


Déjà 6 km ont passé et la deuxième partie de la course commence, une longue ligne droite de 8 km, le soleil est de plus en plus fort et il fallait vraiment être solide plus tenir une bonne cadence sur cette route en faux-plat montant. Notons sur cette portion l’excellent travail du service d’ordre pour diriger la circulation et de mettre les coureurs dans les meilleures conditions.

C’est au 14ème kilomètre que la course commence vraiment, une succession de montées et de descentes dans un cadre idyllique mais sous un soleil de plomb, la fatigue commençait à se sentir, je voyais les visages tout en sueur et en douleur des coureurs, les pentes avaient un effet dévastateur sur les muscles et sur le moral, malgré les quelques encouragements discrets sur le bord de la route, les corps souffraient et chaque coureur exprimait sa douleur à sa façon mais la plus émouvante c’est ce jeune homme, qui pour s’encourager, cri de toutes ses forces « VIVE LA TUNISIE » plusieurs fois ; et c’est au bout d’une longue pente sur les collines de Gammarth et sur une vue sur mer somptueuse que le calvaire a presque pris fin. J’ai bien dis « presque » car après une belle descente et un ravitaillement plus que bienvenue, 2.5 km de faux-plat montant nous guettait, c’était une légère pente mais régulière et ascendante qui a mis fin à toute mon énergie avec comme point d’orgue la montée finale vers « Sidi Abdelaziz » où j’ai complètement calé.


Quelques mètres de marche puis un éclair est passé dans mon cerveau, je n’avais pas le droit de lâcher à 1.5 km de l’arrivé, je le dois à mon équipe, je le dois à mes amis, je le dois à ma famille et je le dois à ma femme et mes deux filles. Elles étaient très fières de me voir partir vers le course et je ne devais pas les décevoir, sans force dans les jambes, je repris la course en marmonnant les noms des êtres les plus chers à mon cœur, j’ai monté cette dernière épreuve pour découvrir la belle descente finale que nous ont réservé les organisateurs. Et au bout d’ 1 h 56min d’efforts j’ai franchi la ligne d’arrivée.

L’ambiance à l’arrivée était encore plus belle que celle du départ, la foule encourageait les arrivants et « les finishers » savouraient un repos bien mérité, pour ma part après quelques minutes de repos et de ravitaillement avec mes amis et les membres de mon équipe, je me suis levé pour attendre les arrivants car je n’oublie pas d’où je viens et que ceux qui vont arriver après 2h15 de course sont ceux qui ont le plus souffert et que ce sont eux aussi des vrais champions. J’ai aussi vécu l’arrivé d’un héros national, un soldat qui a perdu la jambe en défendant notre pays et qui a une prothèse au couleur de la Tunisie et qui a terminé la course le drapeau brandit bien haut sous une salve d’applaudissement.


C’était là le plus grand message de la journée, la Tunisie était blessée, meurtrie, un genou à terre, mais la Tunisie, n’a pas fléchie, elle n’a pas baissé les armes ni les bras, grâce à 5000 participants qui représentent tous les tunisiens, elle a montré qu’elle était forte et conquérante, solide et courageuse et qu’elle ne se laissera pas abattre. Comme tous ces coureurs qui se sont surpassés pour atteindre l’arrivée elle se dépassera pour planer vers des jours meilleurs.

Les participants commençaient à rentrer et les derniers restaient pour immortaliser ces moments par des photos. Le bilan était au-delà des espérances, c’était une réussite totale sur tous les plans (seul bémol, la médaille n’était pas accrochée directement dans les cous des coureurs ce qui enlève un peu du charme de l’arrivée) et je félicite les organisateurs et à leurs tête Mr Riadh Ben Zazia pour ces moments inoubliables.

Les foulées du Mégara lance la saison des marathons alors place maintenant aux autres courses et à bientôt.
« Ska »